38. HANNIBAL BARCA
Carthage fut fondée en 814 av. J.-C. par la reine Élisha (sœur du roi Pygmalion et aussi nommée Didon par les Romains), accompagnée d’exilés phéniciens en provenance de Tyr. Carthage devint rapidement la ville la plus moderne et la plus riche de son époque. C’était aussi l’une des premières Républiques, un conseil de trois cents sénateurs élisait chaque année deux magistrats, les suffètes. Jusqu’au IIIe siècle av. J.-C., Carthage dominait toute la Méditerranée. Avec plus de deux cents navires cette ville lançait des expéditions dans le monde entier. Grâce à leur puissance maritime les Carthaginois construiront des comptoirs en Sicile, en Sardaigne, le long des côtes d’Afrique du Nord, d’Espagne (Gades qui deviendra Cadix) et remonteront même au nord jusqu’en Écosse pour le commerce de l’étain, et au sud jusque dans le golfe de Guinée pour le commerce de l’or. Cela ne pouvait qu’attirer la convoitise de la nouvelle puissance émergente de l’époque : Rome. Les Romains construiront une flotte de guerre encore plus imposante, copiant les techniques maritimes carthaginoises et ajoutant des éperons et des galériens pour gagner en vitesse. En 264 av. J.-C. la flotte militaire romaine vaincra la flotte carthaginoise dans la bataille des îles Égates. C’est le début des guerres puniques.
Le général carthaginois Hamilcar Barca négociera une paix au désavantage de son pays et devra ensuite affronter ses propres mercenaires de l’armée de Sicile en rébellion, qu’il arrivera à vaincre avec des forces inférieures. Son fils Hannibal naît en 247 av. J.-C. Il est formé par un précepteur grec dans l’admiration d’Alexandre le Grand. Il suivra son père lors de la campagne de reconquête de l’Espagne. Trahi et pris dans une embuscade, le général Hamilcar est assassiné. Son fils Hannibal prend alors la relève. À peine âgé de 26 ans, grâce à son charisme et ses talents d’organisateur, il monte une armée ibéro-carthaginoise contre l’avis des sénateurs de Carthage. Il reprend la guerre contre Rome et, accompagné de quelques dizaines de milliers d’hommes et quelques centaines d’éléphants, il franchit les Pyrénées, traverse le sud de la Gaule, puis il franchit les Alpes. En juin 218 av. J.-C., il arrive en Italie du Nord. L’armée romaine venue pour l’arrêter en Espagne découvrira avec surprise qu’il est déjà dans la plaine du Pô. Les Romains courent à sa rencontre et ce sera la bataille de Plaisance, sur les bords de la Trébie, au mois de décembre. Les Romains fuient devant la charge des éléphants africains qui ont pourtant difficilement survécu aux rigueurs des cimes enneigées. Hannibal a le génie des mouvements de troupes et il sait faire bouger très vite sa cavalerie. Non seulement Hannibal utilise des éléphants comme des chars d’assaut, mais durant la bataille il lance des actions de « commandos », menées par des troupes de choc peu nombreuses mais très rapides qui agissent sur des points névralgiques.
Lors de la deuxième bataille, en Campanie, Hannibal compense sa faiblesse en effectifs par la ruse : il lance sur l’ennemi des troupeaux de bœufs recouverts de fagots enflammés. Nouvelle victoire carthaginoise. Rome réagit en lui dépêchant toutes ses réserves. Ce sera la bataille de Cannes en Apulie où, grâce à un habile mouvement enveloppant, Hannibal une fois de plus encercle et anéantit les troupes romaines pourtant deux fois supérieures en nombre. Toute l’Italie se rallie aux Carthaginois, ainsi que la Macédoine et la Sicile.
Mais plutôt que de prendre Rome, qui s’y résignait déjà, Hannibal établit un traité de paix avec le dictateur romain rapidement désigné pour assurer la défense de la ville.
Ce dernier, le danger passé, remonte une armée et la confie à un jeune général, Scipion, plus tard nommé Scipion l’Africain.
Scipion a compris que l’armée romaine ne tenait pas le choc face à Hannibal, il décide donc de grignoter progressivement les territoires, évitant toute possibilité de grande bataille. Les forces carthaginoises sont numériquement trop réduites pour tenir sur tous les fronts. Scipion reconquiert une à une les villes et reprend ainsi l’Italie, la Gaule, l’Espagne, et débarque avec une armée reconstituée en Afrique. Hannibal tentera de négocier avec Scipion, mais ce dernier refuse tout accord de paix, et ce sera la bataille de Zama. Privé de sa cavalerie numide, rachetée au dernier moment par les Romains, Hannibal est vaincu. Les Romains imposeront dès lors un impôt exorbitant payable sur 50 ans.
Hannibal, élu suffète par les sénateurs, essaie pourtant de gérer au mieux sa cité ruinée. Il abolit les privilèges des grandes familles, et obligera les responsables des finances à rendre des comptes. Ces derniers prendront mal cet élan démocratique et feront alors appel à Rome pour les aider à destituer leur nouveau roi « trop réformateur ». Hannibal, poursuivi par les Romains, fuit Carthage et trouve refuge auprès du roi de Syrie, Antiochus, qui lui demandera de le conseiller dans sa guerre contre les Romains. Mais ce dernier n’écoute pas les conseils stratégiques de son invité et perd la bataille.
Les Romains exigeront le départ du Carthaginois lors de la signature du traité de paix. Hannibal trouvera refuge auprès du roi de Bithynie, Prusias, au service duquel il mettra ses talents d’organisateur et d’urbaniste. Les Romains exigeront que Prusias leur remette Hannibal en 183 av. J.-C. Ne pouvant s’évader, Hannibal absorbera le poison contenu dans sa bague.
Une troisième guerre éclatera en 149 av. J.-C., qui entraînera la ruine et la destruction définitives de Carthage.
L’historien romain Tite-Live l’a ainsi décrit : « Hannibal était le meilleur. Le premier il allait au combat, il se retirait le dernier. Personne n’avait plus d’audace pour affronter les dangers. Il dormait peu, mangeait peu, étudiait sans cesse. Admirateur d’Alexandre le Grand, il en avait le panache, mais son projet était plus vaste. »
Après sa mort, Hannibal restera le symbole de l’émancipation des peuples contre le joug romain et contre les oligarchies.
Edmond Wells,
Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, Tome V.